Les bases

Tout dans la Matrice est constitué d’icônes, c’est-à-dire les représentations virtuelles d’éléments connectés permettant à un utilisateur d’interagir avec eux. Tout propriétaire d’un objet matriciel peut choisir, dans certaines limites, à quoi ressemblera l’icône de l’appareil en question. Une icône ne représente pas seulement un objet matriciel de façon abstraite, elle indique également la nature de cet objet et la façon d’y accéder. La Matrice est programmée pour contextualiser les données afin de faciliter le travail ou le divertissement de l’utilisateur : si un outil est difficile à utiliser, c’est que ce n’est pas vraiment un outil, après tout. Il existe des programmeurs qui camouflent volontairement la nature d’une icône à l’aide de designs trompeurs, mais la plupart des gens aiment savoir comment utiliser ce sur quoi ils tombent. De nombreuses zones de la Matrice requièrent que les icônes respectent certaines règles liées à leur apparence.

Par exemple, disons que vous êtes dans le serveur du Dante’s Inferno. L’Inferno est un célèbre nightclub huppé et chic existant dans le monde réel (plus exactement sur la 5th et Madison Avenue, à Seattle Dowtown), mais il a également un nœud matriciel, lui ressemblant à l’identique, afin que les clients puissent s’y rendre de n’importe quel endroit de la planète et à tout moment. Vous arrivez donc sur le serveur du club, payez votre entrée en virant quelques nuyens de votre compte vers celui de l’Inferno et, en un clin d’œil, vous êtes propulsé à votre place favorite dans le club. Imaginons que, cette fois-ci, vous décidez d’aller admirer l’iconographie du cinquième niveau, celui de la colère, afin de profiter de la vue d’icônes d’âmes défuntes se contorsionnant au rythme de la musique dans des eaux marécageuses. L’envie vous prend de déguster quelques plats virtuels, et vous chargez le menu. C’est un fichier, et le menu du Dante’s apparaît comme un parchemin enflammé aux inscriptions élaborées. Les programmeurs et l’Inferno savent que c’est quelque chose que vous aimerez lire (et ils veulent que vous le lisiez), ils font donc en sorte que l’icône ressemble à quelque chose qui vous donne envie de le lire. Dans ce cas précis, un parchemin. Les flammes sont lumineuses et chaudes au toucher, mais sont bel et bien virtuelles. Si vous vous trouviez dans un autre serveur, disons celui du Club Penumbra, un nightclub sur le thème de l’espace, le menu ne serait pas apparu sous la forme d’un parchemin enflammé mais aurait pris une autre forme, qui vous donne quoi qu’il en soit envie de le lire, comme celle du journal de bord d’un astronaute, par exemple.

L’ensemble de la Matrice fonctionne de cette façon. Toute icône y est modélisée et personnalisée par son propriétaire et est généralement conçue pour en favoriser l’utilisation intuitive. Outre les protocoles imposés, l’autre critère déterminant l’apparence d’une icône est la programmation logicielle de son propriétaire. Certains hackers ne veulent pas que d’autres programmeurs leur dictent ce à quoi leurs icônes doivent ressembler. Ils utilisent donc des logiciels pour imposer leurs propres visuels d’icônes. Cette lutte pour la liberté d’apparaître comme il le souhaite n’est qu’une des nombreuses batailles qu’un hacker aura à livrer dans la Matrice. La plupart des utilisateurs ne se fatiguent cependant pas à se battre au sujet de l’iconographie, et laissent les designers matriciels gagner la partie.

Les protocoles matriciels limitent les tailles relatives de toute chose, afin de donner aux utilisateurs une expérience standard qu’ils peuvent partager. Si votre icône est une version robotique du gratte-ciel de la Wuxing, ce qui peut en jeter, mais que vous parlez à quelqu’un dont l’icône est celle d’un scarabée, alors la communication risque de ne pas être facile. Pour pallier ce problème, la taille des personas (autrement dit les individus dans la Matrice) est limitée dans des proportions similaires, allant de celles d’un nain à celles d’un troll. Ainsi dans l’exemple précédent, nous aurions un gratte-ciel ridiculement petit parlant à un insecte aux proportions effrayantes, afin que vous et votre interlocuteur ayez approximativement la même taille. Les fichiers et les appareils sont plus petits que les personas (vous ne verrez donc jamais personne lisant un livre de la taille d’un grand dragon par exemple), et les serveurs sont plus grands (plus grands encore dans le cas de sites d’importance majeure, comme ceux des serveurs corporatistes des méga).